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Mise en contexte du tableau "Les Bergers d'Arcadie", de Nicolas POUSSIN

La date de réalisation est une estimation, aux alentours de 1638-1640.

N. Poussin réalisa deux versions du tableau, comme ce fut souvent le cas pour son travail.

On note qu'il avait à honorer en particulier deux mécènes, en plus de commandes ponctuelles, ce qui pourrait constituer une réflexion sur les "binômes" de ses toiles.


 "LES BERGERS d’Arcadie" N. POUSSIN 1629

N. Poussin est réputé hermétiste, à tout le moins, aspect rejeté par l'histoire de l'art actuelle mais qu'on peut supposer exact, car il est reconnu que Poussin recevait la visite d'artistes de toute l'Europe venus "lui demander conseils sur la symbolique en peinture".

L'inscription ET IN ARCADIA EGO sur le tombeau déchaîne l'imaginaire, et on retrouve la composition dans certaines affaires célèbres, notamment à Shugbourough, où le tableau est représenté (inversé) dans le contexte d'un domaine étonnant comportant huit constructions symboliques.



Le monument de Shugborough a été construit entre 1748 et 1763 et comporte une inscritpion réputée codée, jamais décryptée.

Article WIKIPEDIA sur le "ET IN ARCADIA EGO"
https://fr.wikipedia.org/wiki/Et_in_Arcadia_ego

Une étude classique de l'oeuvre de Poussin:
https://www.nicolas-poussin.com/oeuvres/bergers-arcadie-et-in-arcadia-ego-1640/

Article WIKIPEDIA sur l'inscription de Shugborough :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Inscription_de_Shugborough

Chez Saunière, à Rennes-le-château, le tableau apparaît via un document codé.

Alors que Poussin a fait plus de 200 œuvres recensées, dont beaucoup comportent des bergers ou des références aux bergers, la communauté de chercheurs de RLC s'est accordée à attribuer à ce tableau une place dans l'énigme laissée par l'abbé au sein de son domaine, lui-même constitué de constructions réputées symboliques et sous le sceau du jeu de miroir et des inversions.

Un grand nombre de tentatives de lectures et d'interprétations du tableau ont été faites, afin de lui faire "dire" son message supposé, généralement on espère de lui qu'il révèle une cache.




(Quelques exemples non exhaustifs)

De là à savoir si cette composition contient effectivement un plan de quoi que ce soit, menant on ne sait où, on devrait pour commencer se poser la question de la symbolique, car c'est l'essentiel dans l'alphabet du rébus laissé par l'abbé Saunière, ainsi que le conçoivent certains chercheurs.

Ne cherchant pas à tirer une preuve confortant nos attentes dans ce tableau, essayons de le lire afin de pouvoir déterminer ce qu'il a à dire.

Parmi plusieurs interprétations possibles de sa symbolique, l'hypothèse de départ ici consiste à faire une corrélation entre divers éléments, car pour le moment c'est ainsi que semblent fonctionner le domaine et le "mystère" de l'abbé Saunière.

Les éléments en eux-mêmes, isolément, sont soit muets, soit nous éloignent du cœur du sujet.

Le tableau des "Bergers" en est un bon exemple, s'il comporte un code ou un message ou un plan, rien ne nous dit que ce soit de ce code, ce plan ou ce message dont cherche à nous entretenir Saunière et il se peut qu'il ait employée la composition à d'autres fins, ce qui constituerait un leurre particulièrement efficace (un miroir) en dispatchant les curieux sur d'autres pistes, qui en omettent la symbolique du tableau mise au service du rébus de Saunière. *

Ainsi, si l'on part de l'acceptation classique du tableau, il s'agit d'une allégorie de la mort en Arcadie ("En Arcadie aussi j'existe"), lieu mythique qui est sensé en être débarrassé, ou du moins où ce thème ne fait pas partie des préoccupations de ses habitants.

Dans la période où a été réalisé le tableau, on se questionne en art avec les outils autorisés par l'église -c'est-à-dire les compositions tirées des textes canoniques et les compositions reflétant les Antiques- sur le sens du monde, de la vie, du libre arbitre.

En cela, en effet, on peut considérer beaucoup d’œuvres -sinon toutes- de la Renaissance comme "codées", porteuses d'un sens non affiché, à décrypter, permettant d'aborder des thématiques non officielles au travers de représentations non dangereuses pour son auteur, lui permettant de dénier toute allusion ou réflexion sortant du cadre admis.

Ce faisant on assiste, de toute évidence, à une forme d'hermétisme, littéralement.

Mis en relation avec le contexte de l'église de Rennes-le-château, on peut passer le tableau au crible de chaque statue ou tableau ou vitrail s'y trouvant et une en particulier retient l'attention, la présence de St Antoine de Padoue, un Franciscain, et St François, bien plus que patron des animaux qu'il a souhaité élever à rang égal avec les hommes, s'est distingué par son travail d'ouverture aux autres religions.

Ces deux considérations prises en compte par le prisme de l'Arcadie soulèvent cette réflexion: si l'on souhaite mettre les animaux à rang égal avec les hommes, on doit donc considérer que les hommes soient par définition égaux entre eux, (le thème lui-même a de l'avenir, l’Église étant empêtrée avec les affaires d'esclavagisme à déterminer la valeur d'une âme de noir, par rapport à celle du blanc)  puis, nous trouvant dans un lieu où la paix et l'harmonie règnent, le Paradis sur terre, le lieu de la félicité, on peut envisager que ce soit de cette harmonie qu'il puisse être question, harmonie naturellement souhaitée par les hommes de bonne volonté, au-delà des confrontations politiques sous couvert d'hégémonie religieuse.

"Le cardinal Rospigliosi, futur Clément IX aurait suggéré à Poussin «l’idée d’une réflexion sur la mort, sur le tombeau et sur le temps»

Ainsi, quelles seraient les réactions, les comportements face à la mort en un lieu où toutes les religions seraient représentées ?

L'élément frappant qui oriente vers cette réflexion est le visage passé au blanc de la femme à droite.
La césure est nette, elle a la face blanchie.

Marque de deuil ?
Est-ce quelqu'un qui lui est proche qu'on enterre ?

"René de Chateaubriand a toujours porté un intérêt à Poussin car pour lui: Les gaulois ont toujours confié leurs secrets aux femmes. "

La femme, porteuse du secret, nous offre un fil d'Ariane à saisir.
Tentons une approche de la représentation du deuil.

Denis Bruna, professeur d’histoire de la mode à l’Ecole du Louvre et conservateur au musée des Arts décoratifs de Paris:

"L’apparition des vêtements de deuil remonte à l’Antiquité: les Egyptiens, les Grecs et les Romains associaient à leurs rituels funéraires des tenues spécifiques par la forme et la couleur, mais aussi, quelques pratiques de modifications corporelles, comme le fait de se raser".

Mais encore (sources diverses) :

En Egypte Antique:

"La famille exprime sa peine en couvrant les cheveux de limon; chaque membre se frappe la tête avec la main gauche (main de la mort). Les hommes de la famille ne se rasent pas pendant 70 jours, ce qui correspond à la durée du cycle de l'étoile Sirius."

Dans la loi Juive:

"Les endeuillés retournent au domicile, ils ne prennent ni bain ni douche pendant une semaine, ne portent pas de chaussures de cuir, ni de bijouterie, les hommes ne se rasent pas, ne se coupent pas les cheveux et les miroirs sont recouverts de grands draps. L'endeuillé marche souvent pieds nus, s'assoit et dort à même le sol".

Deux signes supplémentaires tirés de ces informations peuvent donc nous indiquer que les quatre personnages portent le deuil : L'un est barbu, l'autre a les pieds nus.

Contrairement à ce qu'on en dit, les pâtres et la femme pourraient donc bien ne pas découvrir le tombeau "par hasard" en Arcadie, mais pourraient au contraire être des proches de celui ou celle qui y est inhumé-e et portent son deuil.

En cherchant par analogies des éléments de deuil à travers les traditions, d'autres détails ressortent, plaidant en faveur que chaque personnage porte bien un signe distinctif du deuil :

L'habit rouge, le visage recouvert de cendres, la barbe et les pieds nus mis en relief par le fait que les autres ont, eux, des sandales (et en effet c'est un des "détails" que l'on remarque en premier).

Plus étonnant, l'homme en rouge signale que le défunt a eu une mort "heureuse", par son index levé à la mode musulmane.

"Le levé de l'index, symbolisant l'unicité de Dieu est un des signes de fin heureuse pour le mort selon l'Islam."

L'analogie peut sembler tirée par les cheveux mais elle est tentante et séduisante, sachant que si le signe qui désigne le tombeau avait été représenté de façon trop flagrante pour faire une allusion à l'Islam dans une peinture censée parler d'un lieu "paradisiaque et païen" aurait pu prêter le flanc aux questions.

Le barbu a l'air de déchiffrer l'inscription, peut-être ne sait-il pas lire le latin, ce qui pointerait vers un personnage Égyptien plutôt que Grec ou Juif, mais il s'agit là d'une impression toute personnelle non étayée par une argumentation particulière.

"On remarque (lors du deuil) que (l'habit est) plus couvrant qu’à l’accoutumée".
La femme est nettement plus habillée, vêtue de trois étoffes, au lieu d'une pour les hommes.

"Les rois de France portaient le deuil tantôt en écarlate tantôt en violet. Mais il y avait aussi le blanc et les reines blanches: des reines de France qui portaient le deuil du roi dans une robe noire couverte sous une guimpe et un long voile blanc".
L'homme à droite est habillé de rouge, la femme à son côté a le visage blanc,on retrouve deux couleurs du deuil chez les Rois Chrétiens.

Si on le souhaite on peut pousser la chose en prétendant que ce couple pourrait avoir une ascendance royale avec, peut-être, le ou la défunt-e du tombeau.

On dit que les Grecs ne comptaient pas le deuil comme une émotion, alors que les romains oui, rattachée à la tristesse.

Cela va dans le sens de l'attitude détachée des personnages autour du tombeau, à l'exception de celui de gauche, qui semble légèrement ironique ou amusé.

Sénèque parle de "regret":
Ses troyennes, au deuil, se recouvrent le visage de cendres, cependant elles se détachent les cheveux et se dénudent la poitrine pour se la flageller, du moins lors du moment spécifique des lamentations rituelles.
Note: On distingue le deuil acerbus, utilisé pour le deuil des enfants.

En écosse:

Louis Énault (contemporain de Saunière):
"Angleterre , Écosse, Irlande: Voyage Pittoresque" (1859)

(Pendant la veillée funèbre):
"On avait eu soin d'éteindre le feu partout, et des sentinelles, armées de bâtons, étaient posées à toutes les issues pour empêcher qu'un chien ou qu'un chat passât devant le cadavre, ce qui serait considéré comme un mauvais présage par toute la maison.»

Signe du berger, le bâton, utilisé dans le deuil écossais.

En France (Contemporain de Saunière) :

La promotion de la laïcité et des libertés aboutissent aux lois des 14 novembre 1881 et 5 avril 1884 qui abolissent le caractère confessionnel du cimetière, et à la loi du 15 novembre 1887 sur la liberté des funérailles qui permet au défunt de décider du lieu et du mode de sa sépulture. 14 novembre 1881 la loi impose la « neutralité des cimetières » renforcée par la loi du 9 décembre 1905 (il ne doit pas y avoir de distinction de traitement entre les croyances et les cultes).

Ce détail est intéressant, cette loi correspond à la période où Saunière entreprend ses grands travaux dans le domaine, s'il s'agit pour lui de faire un lien entre la période, la loi ou l'allégorie à la mort dans les différentes cultures on peut y trouver un rappel.

Dans la tradition juive:

"On demande aux dames de ne pas accompagner le cercueil jusqu'au lieu de l’enterrement et de ne pas assister à ce moment. S'il n'est pas possible d’empêcher les dames d'accompagner le cercueil, les dames veilleront à se regrouper entre elles et feront très attention à ne pas se mélanger avec les hommes."

On constate cet écartement, les trois hommes forment un triangle, la femme est en dehors, même si sa main vient effleurer son binôme/compagnon, pour signifier ce lien (familial ?) entre eux.

Le tableau de Poussin ferait donc référence aux trois religions monothéistes, dans un contexte païen, ce qui symboliserait bien l'Arcadie, pays détaché du monde, sorte de paradis sur Terre, sous-entendu où toutes les croyances seraient égales.

-L'homme en rouge, comme l'usage chez les rois chrétiens de France lors du deuil.
-La femme au visage couvert de cendres comme les Grecques, son corps nettement plus habillé, comme les Romaines.
-L'impassibilité grecque des trois personnages centraux, le quatrième, en retrait à gauche, semble plus affligé ou amusé, en tout cas dans l'émotion, à la romaine.
-Le barbu, comme en Égypte ou dans la tradition juive.
-L'homme aux pieds-nus, comme dans la tradition juive
-Les hommes et la femme soigneusement séparés, comme dans la tradition juive (et musulmane peut-être ?).
-Si les quatre personnages sont des bergers, la femme n'a pas de bâton, elle ne "travaille pas", conformément à la loi juive sur le deuil.
-L'index levé, comme dans la tradition musulmane
-Le contexte Arcadien païen et la référence aux gaulois qui se confiaient aisément aux femmes, point de départ de la réflexion.

Reste à voir quel sens a cette symbolique dans l'ensemble.

Si on réfléchit sur la mise en binôme des éléments, il faut se rappeler du deuxième parchemin trouvé avec celui parlant du POUSSIN, évoquant un trésor et le roi Dagobert:
"il est la mort".

L. DUPUIS

*Il ne s'agit en rien d'une affirmation visant à nier la pertinence des recherches sur le tableau, mais une distinction pour tenter d'ouvrir une porte supplémentaire à sa lecture, son rôle dans l'"affaire RLC".

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